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( lettre du CEMAT n°2)


La loi 2005-270 du 24/03/05 relative au statut général du militaire dans ses articles 15-16 et 17 (articles L 4123-10, L 4123-11 et L 4123-12) définit les conditions de la protection juridique et de la responsabilité pénale du militaire.

a- L’article L. 4123-10 souligne que « Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l’objet. » « L’État est également tenu d’accorder sa protection au militaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle. »
b- L’article L.4123-11 stipule que : « Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 du code pénal (c’est-à-dire la violation d’une obligation de prudence prévue par la loi, ou faute caractérisée), les militaires ne peuvent être condamnés sur le fondement du troisième alinéa de ce même article (c’est-à-dire délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de sûreté prévue par la loi) pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de leurs fonctions que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie ».

c- L’article L.4123-12 II précise enfin que « n’est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération militaire se déroulant à l’extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission. ».

Entretien avec le général d’armée Elrick Irastorza

 Mon général,  nombreux sont ceux qui, dans nos propres rangs et dans les associations qui nous sont proches, s’interrogent sur le dépôt de plainte, plus d’un an après les faits, de certaines familles de nos camarades tués au combat en Afghanistan en août 2009. Que leur répondez-vous aujourd’hui ?

Je me suis déjà exprimé dans l’armée de terre où nos hommes et nos femmes sont un peu perturbés par cette plainte qui nous amène à nous interroger plus encore sur l’essence même de notre engagement au service d’une cause qui nous transcende tous, le service toujours très exigeant de notre pays, engagement que nous vivons intensément,  collectivement mais aussi et surtout individuellement, au tréfonds de nous-mêmes.
Il est clair que l’intrusion de la chose judiciaire dans le champ de l’action militaire et de la décision tactiques, incite à se poser des questions de nature quasiment existentielle auxquelles je voudrais apporter quelques éléments de réponse tout à fait personnels.
En premier lieu, et c’est une évidence absolue, les militaires de l’armée de Terre quel qu’en soit le grade ne se sentent pas, ne se sont jamais sentis, au-dessus de lois qui les protègent tout autant quelles les obligent (voir encadré). Où qu’il soit déployé, le soldat français applique à la lettre les règles du droit international et national, et nos règles éthiques et comportementales si bien synthétisées dans notre code du soldat. C’est une donnée immuable de notre métier, et nous savons parfaitement qu’il n’y a jamais eu d’immunité pénale, disciplinaire ou professionnelle du militaire.

Mais nous savons également qu’il n’y a jamais eu de modèle mathématique de la guerre et que l’engagement opérationnel a toujours été soumis à de fortes contingences. Tout l’art de la tactique consiste à emporter la décision en réduisant au maximum la part du hasard et de l’impondérable, tout d’abord par une préparation opérationnelle de qualité, ensuite par une conduite raisonnée des opérations sur un terrain souvent difficile à appréhender, face à un adversaire qui n’a de cesse, bien évidemment, de contrer votre action.
Après coup, à froid, il est toujours facile d’analyser les causes possibles d’une mauvaise appréciation de situation ou d’une décision tactique ayant conduit au revers de fortune. Mais discerner dans la complexité, décider dans l’incertitude et agir dans l’adversité ne va pas de soi. Mais je répète à l’envi dans l’armée de Terre que tant que nous accomplirons nos missions en conscience, en nous souvenant à chaque instant de ce que nous avons patiemment et durement appris et acquis à l’entraînement, en un mot tant que nous accomplirons les diligences normales, il n’y aura aucune raison d’appréhender l’appréciation d’un censeur sur la conduite de nos opérations. Bien évidemment, les militaires qui, dans ce cadre très précis, viendraient individuellement ou collectivement, à faire l’objet de telles procédures, bénéficieront toujours du soutien qui est leur est légalement et moralement dû.

Certes mais ne craignez-vous pas que la multiplication de ce type de procédure ait à la longue des effets pervers ?


Vous êtes là au cœur d’une problématique sur laquelle nous réfléchissons depuis des années et je n’aurais pas la prétention de synthétiser en quelques mots la somme des réflexions conduites sur un sujet de société qu’il conviendrait de ne pas négliger.
Rappelons cependant que la guerre étant la continuation de la politique par d’autres moyens, c’est le Politique qui, au nom de la société qui lui en a donné légalement le pouvoir, fixe leurs missions aux armées et les objectifs militaires à atteindre à des fins politiques. Le chef tactique conduit ensuite l’action sur le terrain, au nom de la Nation voire, de plus en plus souvent, au nom de la collectivité internationale. Ce point est fondamental. Il fonde le principe même de la légitimité de l’action des armées. Il explique pourquoi le chef militaire accepte de prendre des risques au combat et d’en faire prendre à ses hommes, jusqu’au sacrifice si nécessaire et d’infliger la mort à son adversaire pour remplir sa mission.

L’intrusion du fait judiciaire dans la conduite tactique des opérations me conduit à faire un constat et à exprimer quatre appréhensions.
Cela fait longtemps maintenant que tous les insurgés de la planète ont compris que dans nos sociétés profondément marquées par le souvenir des grandes hécatombes du siècle passé, l’émotion avait tôt fait de prendre le pas sur la raison. Cette évolution fait incontestablement le jeu de nos adversaires, affaiblit nos armées et me conduit à appréhender quatre points :

  • l’inhibition de nos soldats et de leurs cadres au point que nos unités s’en trouvent paralysées ;
  • la fragilisation, par amertume, de notre réseau social de solidarité, bénévole pour l’essentiel ;
  • la fragilisation de notre recrutement en cadres motivés et en soldats confiants ;
  • la perte de sens de l’hommage rendu par la Nation à ceux qui sont allés au bout de leur engagement.

Pour l’heure, j’ai constaté que nos unités engagées en opérations ou se préparant à y partir surmontaient leurs interrogations et restaient très concentrées sur leur mission, portées par le souvenir toujours très présent de leurs frères d’armes morts pour la France et par leur fierté  de faire avec conviction et dans l’Honneur, ce métier vraiment à nul autre pareil, au service de la sécurité de leurs concitoyens.