En 1968 ,en service au Gabon, j’étais détaché dans l 'armée gabonaise, où j'assurais la direction du secrétariat militaire gabonais en liaison avec l'ambassade de France à Libreville.
J’avais deux casquettes, une locale, l 'autre française.
Côté français, j'avais la responsabilité des services du transport aérien et hospitaliers, au profit des enfants biafrais, rapatriés de la région orientale du Nigéria qui s’est autoproclamé République du Biafra et qui était en guerre de sécession avec le Nigeria.
(Eric Gaba – Wikimedia Commons user: Sting)
Les biafrais étaient des Ibos qui détenaient la majorité des postes dans l’administration et le commerce, et les nigériens d’autres ethnies voulaient les exterminer et pour cela s'en prenaient aux enfants.
L O.N.U. , avec l' aide de la France, avait installé un hôpital au Gabon pour les accueillir.
Au même moment, au Congo, de nombreuses tentatives de coup d’état provoquaient une forte instabilité, les colons européens étaient expulsés, les femmes violées , y compris les petites-sœurs qui géraient écoles et maisons de santé.
J’ai été envoyé , avec une quinzaine de parachutistes français pour protéger ces civils et les convoyer à un centre d'accueil situé à Makokou, pas très loin de la frontière.
Les européens, deux familles françaises et une belge, plus une demi-douzaine de sœurs, formaient un groupe d’une vingtaine de personnes.
Malgré des accrochages violents, nous avons convoyé, sans casse, l' ensemble du groupe que j’ai remis aux mains des personnes habilitées du centre d'accueil.
Pour moi la mission étaient terminée.
Il y a trois ans, au cours d'une cérémonie, j'ai été accosté par un monsieur, qui m'a demandé si en 1968 j'avais participé à une opération de sauvetage d'européens à la frontière Gabon-Congo, à ma réponse affirmative, il m’a pris dans ses bras, me disant que cela faisait cinquante ans qu'il souhaitait me retrouver, pour me remercier de l' avoir sauvé lui et sa famille.
Il m’avait repéré parmi les autorités, ignorant mon nom, il avait eu un flash et était persuadé qu'il m’avait trouvé, il s'était donc permis de m'accoster.
Il m'a demandé mon nom et m’a remis une carte de visite, je lui ai donné la mienne, « vous habitez Montpellier, j'ai ma sœur qui habite également cette belle ville, c'est formidable je dois lui rendre visite le mois prochain, me ferez-vous l' honneur d'accepter une invitation. Je prendrai contact avec-vous par téléphone. »
J'ai accepté, et regardant la carte, j'ai vue qu'il résidait au Chili, et le nom très français de ce monsieur d'origine noble, apparenté à la royauté du XVIème siècle: Comte Marcotte Sainte Marie de Rochechouart.
Belle et émouvante rencontre.
Jacques Bouthier