Le 5 décembre dernier, journée nationale d’hommage aux « Morts pour la France » pendant la Guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie des cérémonies aux Monuments aux Morts, comme à l’accoutumée, dans certaines communes de l’Hérault étaient organisées aves dépôts de gerbes, en présence d’autorités locales d’anciens combattants et parfois de quelques citoyens patriotes, quasiment dans l’entre-soi.
J’ai donc décidé de me rendre visible à la population et d’échanger avec des ceux qui le souhaiteraient.
En tenue d’AC, décorations pendantes, k-way de l’UNP ouvert pour qu’on puisse les voir ou les deviner, coiffé de mon calot TDM, courbé et m’aidant de ma canne, j’ai donc pris le bus à la nouvelle gare routière de Gignac devenue un Pôle d’Echanges Multimodal (c’est moderne et un peu ronflant !), vers 9h à destination de Montpellier/Mosson, bus bien fréquenté, en particulier par des étudiants. J’ai payé un pass/journée à 6€, qui permet de monter et descendre dans tous les bus et tram autant de fois que l’envie vous en prend et de revenir à Gignac.
Ma voisine de bus était une retraitée, éducatrice de personnes handicapées rentrant à Caen après avoir réglé une affaire familiale, amoureuse de son Calvados natal, heureuse d’y revenir ; elle avait 5 ans en 1944 lors des bombardements alliés des principales villes de Normandie pendant lesquels un de ses oncles avait été tué. Je l’ai informée sur ce que les AC commémoraient aujourd’hui et pourquoi j’étais dans le bus.
A la Mosson, montée dans une rame de la ligne 3, destination Pérols/étang de l’Or, où je trouvais une place assise sans difficulté. Vu du tram, Montpellier est une belle ville.
Un jeune homme, large d’épaule et sans gras vient s’asseoir en vis-à-vis et me dit qu’il veut s’engager au 3ème ou au 8ème RPIMA. Il avait déjà fait quelques mois dans la Marine mais l’ambiance ne lui plaisait pas. Il avait hésité pour s’engager dans la Légion Etrangère. Je lui ai répondu que, comme son nom l’indique, la Légion, c’est fait pour les Etrangers. On y a besoin de francophones (environ 1 sur 4 ou 5), pour faciliter l’apprentissage du français, souvent venus de l’Afrique, mais que les « gaulois », sauf exception, étaient rarement engagés à la Légion. Je lui ai rappelé les devises de la Légion d’Honneur (Honneur et Patrie) et de la Médaille Militaire (Valeur et Discipline). Je lui ai vanté l’esprit de famille des Troupes de Marine, l’esprit de camaraderie, lui disant aussi qu’il est rare que l’on ait pas, au moins une fois, la trouille au moment de passer la porte de l’avion et que cela n’avait rien d’anormal.
Il descendait à la gare St Roch. Nous nous sommes quittés sur une solide poignée de main et je lui ai souhaité d’être heureux dans les paras colo.
Le tram se vidait au fil des arrêts et nous n’étions moins d’une dizaine au terminus.
En sortant pour me dégourdir un peu les jambes, j’ai pu admirer l’étang de l’Or qui semblait être une mer terreuse, brune, striée d’argent.
Monte dans le tram, encore à l’arrêt, un jeune homme propre et net de sa personne, qui vient se présenter à moi, précisant qu’il est réserviste (1ére classe, GV) au 143ème RI, à Brive La Gaillarde, le régiment des Bisons. Au cours de nos échanges, il me loue la qualité des locaux de vie de son régiment et la bonne entente active/réserve. Il partait d’ailleurs pour une période active pendant le temps de Noël/Nouvel An en attendant que l’ENSOA le convoque pour sa future formation de sous-officier d’active. Educateur, bac+, il a le niveau « qui va bien » pour faire un excellent sous-officier, ce que je lui dis.
Comme avec mon précédent interlocuteur, je lui ai rappelé les devises de la LH et de la MM, lui vantant en plus, les mérites des Troupes de Marine qui permettent encore de vivre une vie aventureuse tout en lui rappelant que la concilier avec une vie familiale stable n’est pas facile. Nous avons évoqué les parrainages de promotions. Il a pris note d’un récent parrain, l’adc Jean-Bernard MONCHOTTE, héros parachutiste qui était membre de l’UNP34.
Connaissant les galons, il m’a salué en m’appelant « mon colonel » avant de descendre quelques arrêts plus loin.
A la gare St Roch, terminus provisoire. Tout le monde descend…
Les fonctionnaires manifestent et défilent en cortège, CGT en tête. Debout sur le trottoir, je les regarde passer. Des femmes me sourient, l’une d’entre elles, vient ma serrer la main ; un douanier entame une discussion, se plaignant que l’Etat ne respecte pas les petits.
La circulation des trams rétablie, nous sommes nombreux à monter dans la rame. J’y trouve une place face à une dame musulmane âgée, au foulard blanc et à sa petite fille d’une dizaine d’années.
Un passager restée debout, de type métis africain, musulman et peut-être intellectuel marginal me demande pourquoi je suis en tenue AC. Je lui en donne l’explication, lui rappelant comme à mes précédents interlocuteurs, les devises de la LH et de la MM, ajoutant que les militaires servent la France quels que soient les régimes, royauté, empire ou république. Lui aussi a affirmé que l’Etat ne s’occupait pas des petits. Voyant l’insigne de l’UNP sur mon Kway, il m’interroge.
« C’est l’insigne de l’Union Nationale des parachutistes, section de l’Hérault qui compte environ 210 membres »
Au terminus, la dame musulmane m’a dit au revoir et je lui ai souhaité une bonne journée.
J’ai pu monter dans mon bus retour quelques minutes avant qu’il ne démarre.
Il était 14h15 quand je suis arrivé à mon domicile, heureux et satisfait d’avoir fait œuvre utile pendant ce « mini-voyage » en visibilité AC.
Michel Bain, lcl (H) TDM, 88 ans +