Hommage à Mr Henri ALLA
Par le lieutenant-colonel (H) Michel BAIN
Je n’ai pas connu Henri dans sa période active, mais nous sommes amis depuis 25 ans.
Militaire de carrière, j’ai toujours eu une grande admiration pour les personnes droites, honnêtes, entreprenantes, indépendantes et volontaires, capables d’anticiper et de rebondir.
C’était le cas de mon ami.
De plus, il était adroit de ses mains et doué d’un solide bon sens.Henri s’est éteint doucement dans son lit à l’âge de 91 ans, dans la maison qu’il avait bâti avec son fils, sur les hauts de Nébian, entouré par les siens, veillé en permanence par son épouse, Annie, bénéficiant des soins d’une équipe médicale dévouée, en paix.Né à Aniane, le jeune Henri, âgé de 4 ans, part à Madagascar en 1929 où son père a trouvé du travail à la Société Emyrne, société industrielle et commerciale créée l’année précédente, dont la principale activité est l’élevage, la commercialisation du zébu (le bœuf à bosse local) et la confection du corned beef, bœuf en boite que l’on a retrouvé longtemps dans les rations militaires françaises, affublé de surnoms comme « singe » ou « bœuf assassiné ». J’en ai mangé. Il était bon.
Le jeune Henri poursuit ses études techniques jusqu’à son service militaire, qu’il effectue au 3ème régiment de Tirailleurs malgaches. Sa connaissance parfaite de la langue malgache et des coutumes, sa débrouillardise le font apprécier de tous. Comme d’autres, il se prépare avec enthousiasme à partir combattre les japonais en Extrême-Orient. La bombe atomique américaine entraîne la capitulation du Japon le 2 septembre 1945. De ce fait, le caporal-chef Alla ne verra pas l’Indochine
De son temps militaire, il gardera toujours un certain regret de ne pas avoir choisi de faire carrière dans la Coloniale.Nous sommes en 1946. Durant 4 ans, Henri, sur de vastes étendues, va surveiller les gardiens de plus de 4000 zébus pour le compte de la société Emyrne, vie de broussard, souvent très isolée.A l’été 1950, il vient à Aniane pour un mois. Il y rencontre sa future épouse, Annie. Ce sera le coup de foudre et le début d’un amour qui ne s’est jamais démenti. Annie et Henri se marient le 6 janvier 1951. Annie donne le jour à leur fils Philippe en novembre1952
Henri travaille pour son beau-père, vigneron et commerçant.
Le jeune couple repart à Madagascar avec leur fils à la mi-1953. Pendant deux ans, Henri travaille « Au pain français », entreprise boulangère sur Tananarive, la capitale malgache.
Avec l’aide d’un prêt d’amies, rapidement remboursé, il lance avec son épouse une fabrique artisanale de yaourts, de jus de fruits, de crème, qui prospère grâce à un travail acharné et une vie quotidienne sans dépenses superflues.Mais Madagascar accède à l’indépendance en 1960. La conjoncture devient défavorable d’autant que l’administration et les troupes françaises réduisent considérablement leurs effectifs.En 1964, c’est le retour définitif en France métropolitaine.
Le couple Alla rachète une droguerie à Clermont l’Hérault et l’immeuble qui va avec : 3 étages à retaper, tout à apprendre sur la connaissance, la gestion et le stockage des produits. Cela occupe largement les soirées et les week-ends, en sus de l’attention à porter à la petite Carole, née en 1965.Au début des années 70, les grandes surfaces commerciales investissent Clermont. Sentant qu’il ne sera pas de taille, Henri se lance dans l’hôtellerie, faisant sortir de terre l’hôtel Fontaine de Sarac, entreprise familiale, où s’impliquent sa femme et son fils, ses principaux clients étant des cadres ou techniciens de la COGEMA qui exploitait le site de minerais d’uranium non loin de Lodève.
17 ans d’importantes contraintes, la profession d’hôtelier étant très exigeante.Agé de 64 ans, Henri coulera alors une retraite heureuse auprès de son épouse jusqu’à ses dernières années obscurcies par un accident et le vieillissement, dans ce beau pays clermontais entre famille, amis, souvenirs, en particulier de son époque malgache. Ne disait-il pas qu’il rêvait en malgache !
Veloma atopko, vaza Henri - A Dieu, Henri