A la mémoire du Lieutenant KRIEGER,

de la promotion "du Mexique" (1861-1863)

Si vous passez à Voh, à 300 kilomètres au nord-ouest de Nouméa, arrêtez- vous à la plage de Gatope. On y accède en quittant la route territoriale N°1 au monument aux morts de Voh.

voh

 

         Une pyramide blanche s'élève sur le promontoire à l'ouest de la plage de Gatope.

paysage

monument

 

Elle supporte sur son flanc oriental une plaque circulaire gravée,dont les inscriptions sont difficilement déchiffrables.

plaque

 

On distingue pourtant assez facilement que cette plaque est dédiée à la mémoire du lieutenant KRIEGER, "mort à la peine" à Gatope en 1868.

Intrigué par cette inscription, j'en ai pris des photos, à l'aide desquelles j'ai pu déchiffrer la totalité du texte :

Sur la circonférence : "A la mémoire du lieutenant Krieger de l'Infanterie de Marine"

A l'intérieur du cercle : "mort à la peine à Gatope (Nouvelle-Calédonie)  le 19 juillet 1868 ses camarades de la promotion du Mexique sortie de Saint-Cyr le 10 octobre 1863".

J'ai alors constaté que ce lieutenant était passé à Saint-Cyr cent ans avant ma promotion (Bir-Hakeim 1961-1963),  qu'il avait servi dans l'Infanterie de Marine sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie cent ans avant moi. J'ai donc voulu en savoir plus sur mon ancien et sur ce monument.

Le lieutenant Krieger

Alfred, Charles, Edouard  Krieger est né en 1840. Saint-Cyrien de la promotion "du Mexique" (1861-1863) , il débarque à Port-de-France (l'actuel Nouméa) le 21 mars 1865. Il avait embarqué à Brest  sur la frégate la "Sibylle", pour une traversée de six mois, par la côte occidentale de l'Afrique, le Cap de Bonne-Espérance, la Réunion et l'Australie.( J'ai moi-même rejoint Nouméa depuis Marseille, en 1967, sur un cargo mixte des Messageries Maritimes, le "Tahitien", en cinquante jours, avec des escales à Madère, Pointe-à Pitre, Cristobal sur le canal de Panama, les Marquises, Papeete et Port-Vila).

Le lieutenant Krieger est affecté à la 18ème Compagnie d'Infanterie de Marine, commandée par le capitaine Camus, arrivé par le même bâtiment. Ils participent du 5 au 28 septembre 1865 à des expéditions punitives contre des tribus de la vallée de la rivière Pouanlotche, sur la côte Ouest de la Grande Terre, entre Koné et Ouaco. Elles étaient accusées d'avoir attaqué, assassiné et dévoré le 13 juillet deux marins d'un petit caboteur, la "Reine des Iles", et le 24 août les cinq membres d'équipage d'un cotre de la Marine, le "Secret".

Dirigeant les opérations sur place, le Gouverneur Guillain décide le 11 septembre la création de la circonscription du Nord-Ouest et d'un poste militaire à Gatope. Les responsabilités en sont confiées au capitaine Camus, et à compter du 17 août 1866 au lieutenant Krieger.          

Le lieutenant Krieger décèdera à Gatope le 19 juillet 1868, sans que les circonstances exactes de son décès soient connues. La mention "mort à la peine" portée sur le monument de Gatope s'explique aisément par les conditions de vie de l'époque. L'installation du poste restera précaire. Il sera d'ailleurs évacué en 1870. Les liaisons entre Nouméa et Gatope, situés sur la côte ouest, sont réalisées par mer et par la côte Est à travers la chaîne centrale. Les responsabilités  opérationnelles et administratives sont importantes et assumées dans des conditions difficiles en zone d'insécurité.

Le monument de Gatope

Le monument a été élevé par les personnels du poste, pour qu'y soient inhumés les restes de l'équipage du cotre le "Secret". Leurs ossements avaient été retrouvés, dispersés dans les tribus de la vallée de la Pouanlotche. Une enquête administrative, réalisée par le capitaine Camus, avait permis d'identifier ces restes, grâce aux témoignages de canaques ralliés qui avaient assisté au meurtre, au dépeçage des cadavres et à leur "consommation".

L'inhumation a eu lieu un an après les faits, le 24 août 1866, en présence de la garnison du poste et de l'équipage d'un bâtiment de la Marine,venu de Nouméa. La plaque à la mémoire du lieutenant Krieger y sera apposée deux ans plus tard.

Il ne reste du poste de Gatope que la poudrière, un bâtiment en pierre à voûte semi-circulaire.

Alain Bassot.  Janvier 2011